La logique de l'action collective et le "Broom Party" du Québec

mardi 20 avril 2010 ·

En économie des choix publics, il y a une lecture essentielle que personne ne peut éviter: la logique de l'action collective par Mancur Olson. La thèse du livre veut que les gens s'associent parce que leurs intérêts sont spécifiques et les bénéfices potentiels seront immenses pour eux si la structure dont ils se doteront permet d'éviter le problème du passager clandestin.

Illustration simple: les agriculteurs reçoivent des millions par années en subventions, ils ont donc un grand intérêt à s'associer entre eux pour faire pression sur les gouvernements et de dépenser une partie de leurs propres moyens pour obtenir ces subventions. En contrepartie, les contribuables assument un coût certes, mais il est divisé entre eux. Dans le cas des agriculteurs, l'économiste Marcel Boyer de l'Institut Économique de Montréal estime que la gestion de l'offre (un des programmes agricoles) coûte $300 par année à chaque Québécois. À ce prix, aucun groupe de contribuables ne peut s'organiser assez efficacement pour lutter contre les subventions.

En utilisant cette vision de l'organisation des groupes de pression, j'étais incapable de saisir comment le "Broom Party" du Québec a pu s'organiser. Il est excessivement difficile et coûteux d'organiser un groupe qui rassemble des dizaines de milliers de personne, alors comment cela a-t-il pu se produire? Mais avec quelques jours de recul et d'observations, la seule conclusion logique c'est que ce groupe ne pourra jamais s'exprimer de manière soutenue - malheureusement à mon avis.

Premièrement, au moment présent les gens se sentent conscientisés par le nouveau budget alors ils sentent la nécessité de signifier leur désaccord. Mais ils deschanteront rapidement dés que les coûts de l'activité dépasseront le gain qu'ils ont d'aller manifester. Surtout que l'État n'est pas vraiment un prédateur ici puisqu'il leur remet des services comme des services de garde subventionné et des soins de santé gratuits.

Deuxièmement, le groupe n'a aucune consistence idéologique particulière (l'idéologie peut produire un rendement pour l'individu) - contrairement aux "Tea Party" des États-Unis. Les gens ici ne réclament que des baisses d'impôts et des coupures dans les fonctionnaires. Le problème c'est que la plupart des hausses de "taxes" qu'ils critiquent sont en fait des "frais d'usagers" pour les services publics. À l'exception de la TVQ et de la franchise santé, tout ce qui augmente c'est les prix pour l'utilisation des services publics. Alors en contestant ces hausses, ils demandent d'obtenir un service subventionné. En plus, les coupures qu'ils réclament comme je l'ai souvent indiqué sur ce blogue ne représenterait au final qu'une partie infime du budget d'environ 70 milliards de l'État et réduirait risiblement le déficit. En contrepartie, le "Tea Party" aux États-Unis, pour l'avoir vu de mes yeux pendant mon weekend en Virginie dans lequel le Congrès a adopté le plan Obama pour la santé, est idéologiquement très cohérent.

Dans les "tea parties", on peut voir partout des tee-shirts arborant "Who is John Galt" tiré des livres d'Ayn Rand, des tee-shirts de Bureaucrash (un groupe libertarien qui utilise la fibre du rebel en chacun) et mêmes des tee-shirts avec la figure de Ron Paul. En fait, la plupart des électeurs indépendants aux États-Unis et une bonne partie des électeurs républicains s'identifient davantage avec le tea party qu'avec le Parti Républicain qui, selon eux, les a abandonné. En rien est-ce que le "Broom Party" du Québec ne s'approche de cela.

Mon jugement? Le "Broom Party" sera vite oubliée.

Commentaires (1)

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Olivier Gagnon · il y a 781 semaines

Je comprends ton raisonnement et je crois aussi que c'est un mouvement éphèmère. Mais c'est quand même une des, ou sinon la, première fois qu'on voit la classe moyenne sortir dans la rue pour se plaindre.

Oui c'était un melting pot de gens tannés de payer pour plusieurs raisons. Certains veulent pas que les services augmentent, d'autres ont plus des valeurs de droite et de réduction de l'État, je suis sûr qu'il y avait même des gauchistes. Par contre, l'intention était là et de voir les gens sortir pour dire "c'est assez" au Québec ca donne un certain espoir.

Ca a beaucoup été monté par la radio de Québec pour mobiliser les gens et en les "pryant" avec des exemples de gaspillages, c'est évident. Mais ca l'a quand même donné une voix à ceux qui étaient là aussi pour qu'on repense le modèle Québécois et qu'on arrête de patcher ce qui ne fonctionne pas. On peut espérer que le message se répande et que les gens se conscientisent plus rapidement.

La pire erreur c'est de vouloir associer, comme certains médias, cette marche à celle des syndicats le premier avril, un JEUDI APRÈS MIDI qui a quand même réuni 15 000 personnes qui eux pensaient que le gouvernement coupait trop (*sigh*). On va perdre le fameux secteur des hyppodrômes... alors qu'on a pu d'hyppodrôme. Grosse coupure :P

Ce qui est aussi révélateur c'est de voir que le monde n'ont pas plus confiance à Marois qui n'augmente pas dans les sondages malgré tout ca. Ca veut dire que les gens sont vraiment perdu et si c'est par une marche de 50 000 personnes qu'ils veulent se faire entendre, just do it comme dirait Nike !

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Scientifiquement justes, politiquement incorrects

Auteurs

Bryan Breguet est candidat au doctorat en sciences économiques à l’université de Colombie-Britannique. D’origine Suisse, il a passé les cinq dernières années au Québec au cours desquelles il s’est engagé en politique provinciale malgré le fait qu’il ne possédait pas encore la citoyenneté canadienne. Il détient un B.Sc en économie et politique ainsi qu’une maitrise en sciences économiques de l’université de Montréal. Récipiendaire de plusieurs prix d’excellences et bourses, il connaît bien les méthodes quantitatives et leurs applications à la politique.







Vincent Geloso holds a master’s degree in economic history from the London School of Economics, with a focus on business cycles, international development, labor markets in preindustrial Europe and the new institutional economics. His research work examined the economic history of the province of Quebec from 1920 to 1960. He holds a bachelor’s degree in economics and political science from the Université de Montréal. He has also studied in the United States at the Washington Centre for Academic Seminars and Internships. Mr. Geloso has been an intern for the Prime Minister’s cabinet in Ottawa and for the National Post. He has also been the recipient of a fellowship from the Institute for Humane Studies and an international mobility bursary from the Ministère des Relations internationales du Québec. Currently, he is an economist at the Montreal Economic Institute.

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