Si l’État accapare des ressources pour faire de lui-même une œuvre de charité, il fait compétition aux charités privées et les gens suivent le vieil adage voulant que qu’on se fout éperdument de l’argent des autres dépensés sur les autres. En plus, on peut questionner la nature de la charité produite par l’État. Cherche-t-elle à réduire les inégalités ou bien à assurer l’indépendance des individus de manière à réduire les effets de la nature et de la chance? Le penseur Maïmonide explique la nature de la charité d’une manière lucide. Ce philosophe juif énonçait que la charité la plus noble est celle du cœur pur qui accepte l’anonymat pour aider le récipiendaire à atteindre l’indépendance . Sous cette forme, la dignité du récipiendaire est préservée puisque les donateurs regardent les différentes œuvres et leur cœur pur les incite à évaluer le succès de l’organisme organisant l’aide pour être sûr que l’indépendance soit atteinte. Toutefois, sous la charité d’État le donateur n’est plus anonyme et il est contraint de donner, il est connu de tous, c’est la société qui paie. Le donateur perd l’incitation de surveiller, il se dit que d’autres le font – la société s’en occupe- ce qui fait que l’objectif de l’indépendance n’est pas atteint.
Un « marché » de la charité permet la redistribution volontaire puisque comme le dit John Rawls dans sa Théorie de la Justice «les hommes ne sont pas indifférents à la façon dont sont répartis les fruits de leur collaboration ». Dans ce «marché de la charité», les donateurs cherchent une fondation ou un organisme qui est fait sur mesure pour ce qu’ils cherchent à encourager. Pratiquement, ils échangent librement la satisfaction d’aider quelqu’un pour de l’argent qui aidera la personne à être plus indépendant. Sous l’État, pour des raisons légales, on ne peut pas discriminer. On se retrouve donc avec une charité qui est « one size fits all » qui s’oppose à une myriade de charités « custom-made » . La première forme étant moins propice – pour les raisons énoncées plus haut- pour assurer la réduction des inégalités de nature et de chance que nous cherchons à réduire.
Quant aux chiffres, l'économiste Russell Roberts qui s'est penché sur la question notamment dans The Invisible Heart:an economic romance regarde les chiffres des États-Unis, pays avec un très faible État-Providence et les autre pays de l'OCDE:
In 2002, individuals and corporations in America gave roughly $240 billion to charity. Is that a big number or a small one? American giving as a percentage of GDP dwarfs that of every European country, even when spending on religion is excluded. A recent study by the Johns Hopkins Comparative Nonprofit Sector Project (Salamon 2004) found that giving by American individuals and businesses, as a proportion of GDP, is eleven times that of Italy, three times that of France, seven times that of Germany, and twice that of Sweden. American giving is seven times that of Japan. Of the thirty-six developed and developing nations studied, only Israel is more generous (...) Even excluding the value of donated time, Americans donate billions more than the federal government spends on cash, food, and housing for the poor. The bulk of the money, typically about 85–90 percent, comes from individuals or bequests (...)
Comprenez-moi bien, je ne suis pas en train de dire qu'il faut démanteler l'ensemble des programmes sociaux. Au contraire. Ce que j'argumente c'est que les programmes sociaux doivent se baser sur des principes de marché, doivent être ciblés et qu'ils doivent viser l'atteinte de l'indépendance. On doit aussi être prêt à questionner certains programmes dans le but d'encourager la charité, je pense notamment au secteur des arts au Québec.